ABDOULAYE
LY VIENT DE NOUS QUITTER. A CETTE OCCASION, NOUS PRESENTONS NOS SINCERES
CONDOLEANCES A LA FAMILLE EPLOREE ET A L’ENSEMBLE DU PEUPLE SENEGALAIS QUI
VIENT DE PERDRE UN PATRIOTE REVOLUTIONNAIRE EXEMPLAIRE. PAIX A SON ÂME.
LE
TEXTE CI-DESSOUS EST UN MESSAGE D’HOMMAGE PRESENTE LORS DU 1ER CONGRES
ORDINAIRE DE YOONU ASKAN WI, TENU LES 4 ET 5 DECEMBRE 2010 A GUEDIAWAYE - DAKAR
Yoonu Askan
Wi a décidé à l’occasion de son 1er congrès de rendre un hommage solennel et
particulièrement chaleureux au camarade Abdoulaye LY, vétéran de la lutte
anticolonialiste, anti-impérialiste et pour le socialisme. 60 ans de lutte
opiniâtre ! L’exemple vivant de ce
combattant révolutionnaire constant et persévérant, rigoureux et travailleur,
qui allie admirablement politique et
éthique, doit inspirer les nouvelles
générations de militants de la gauche révolutionnaire, particulièrement la
jeunesse de Yoonu Askan Wi / Mouvement pour l’autonomie Populaire.
Abdoulaye LY, nous a donné le concept de « Présidentialisme
néocolonial » pour décrire avec une rigueur scientifique implacable et une
précision de chirurgien le système qui a produit le monarque qui règne sur
notre pays et veut instaurer une funeste dynastie (cf. « L’émergence du
Présidentialisme néocolonial au Sénégal » Editions Xamle 1980 ; « Sur le Présidentialisme néocolonial au
Sénégal » Editions Xamle 1983 ; « D’où sort l’Etat
Présidentialiste » Editions Xamal 1997). Le doyen Abdoulaye LY et ses compagnons ont dissout leur
organisation, l’Organisation Démocratique Prolétarienne (ODP) pour rejoindre AJ
/ MRDN, le 23 mai 1981. Pour marquer cet événement dans la perspective, Ô
combien actuelle, de construire une grande et forte organisation de la gauche
révolutionnaire panafricaniste, une déclaration historique a été publiée. Dans
cette déclaration Abdoulaye LY disait : « … Je dois en ce jour
aider la jeunesse de mon pays, que je rallie ici sans façon et sans condition
dans une lutte qui lui appartient en priorité, à apprécier le chemin parcouru depuis
une trentaine d’année…pour avoir davantage foi dans les destinées de notre pays
». Quelle admirable humilité, quel sens du sacrifice pour l’unité de la
gauche révolutionnaire ! Abdoulaye LY doit nous inspirer ici et
maintenant. Quelques années après, en désaccord par les pratiques opportunistes
embryonnaires qui allaient dans les années 2000 se cristalliser en une ligne
capitularde, Abdoulaye LY a quitté And Jëf et a continué son combat à travers
la production d’œuvres politiques de haute portée.
Qui est Abdoulaye LY ?
Abdoulaye Ly est né
le 25 février 1919 à Saint-Louis. Après
une scolarité secondaire à Dakar, il poursuit ses études supérieures à Montpellier, Paris et Bordeaux. Avec une thèse principale, « L'Évolution du
commerce français d'Afrique noire dans le dernier quart du XVIIe siècle.
La Compagnie du Sénégal de 1673 à 1696 », et une thèse
complémentaire, « Le Journal de bord de l'Amitié, journal d'un voyage
en Afrique, Sénégal et pays voisins, 14 janvier-14 novembre 1685 »,
soutenues à l'Université de Bordeaux en
1955, il devient le premier Sénégalais titulaire d'un doctorat d'Histoire et inaugure un courant historiographique
dans la mouvance de Cheikh Anta Diop, connu sous le nom d'École de Dakar.
Durant son séjour en
France dans les années 40, Abdoulaye LY a dirigé le Groupement Africain de
Recherche Economique et Politique (GAREP) qui regroupait de jeunes militants
révolutionnaires anticolonialistes radicaux dont le Président des assises
nationales Amadou Makhtar MBOW. Ces jeunes, de retour au pays se sont engagés
ensemble dans le BDS de Senghor qui devient le BPS puis l’UPS pour traduire en actes leur engagement
politique.
Abdoulaye Ly est
nommé ministre de la Production dans le gouvernement du 20 mai 1957, présidé par Pierre Lami et Mamadou Dia. Il démissionne en juin 1958, déçu par les contradictions, les querelles intestines et
le « manque d'austérité et de rigueur » dont fait preuve selon lui le
Conseil de gouvernement.
Aux côtés d'Amadou Makhtar M'Bow, Assane Seck, Ablaye GUEYE, Fadilou DIOP….. Abdoulaye Ly quitte l'UPS, qui décide
de voter « OUI » au référendum du 28 septembre 1958. Abdoulaye LY et ses compagnons créent le 20 septembre 1958 le Parti du regroupement
africain-Sénégal (PRA-Sénégal), dont
il devient le secrétaire général et qui jouera aux côtés du PAI un rôle
essentiel dans le combat contre le colonialisme et le pouvoir néocolonial de
Senghor. Accusé « d'appel à la rébellion » pendant la campagne
électorale qui précède les élections présidentielles et
législatives de 1963 il est arrêté,
condamné et emprisonné. En 1966, le PRA Sénégal fusionne avec l’UPS et
Abdoulaye LY est nommé ministre de la santé, poste qu’il occupera jusqu’en 1970
année où il démissionne du gouvernement et retourne dans l’opposition. En
février 2009, la communauté scientifique lui rend un vibrant hommage à l'Université Cheikh Anta Diop, à l'occasion de son 90e anniversaire.
Vie simple, lutte intransigeante et ardeur au travail
Yoonu Askan Wi milite pour la pédagogie par l’exemple. Nous
pensons que les dirigeants d’un pays très pauvre comme le Sénégal doivent
cultiver un style de vie simple et sobre pour économiser les ressources du pays
et mobiliser le maximum de moyens pour l’investissement économique et social au
service des masses populaires. Le pouvoir des Wade, stade suprême du
Présidentialisme néocolonial est un état patrimonial. Rien n’est trop beau pour
eux : voyages ruineux et inutiles, grosses cylindrées, 8 X 8 avec vitres
teintées, costumes griffés, cravates et pochettes de mauvais goût, villas et
châteaux arrogants. Pendant ce temps le peuple croupit dans les eaux
stagnantes, les enseignants ne sont pas payés, il n’y a pas de courant. Aux uns
les coupes de cristal dans les hôtels de luxe à l’étranger aux autres la misère
la plus crasse. Mais, comme le souligne opportunément Abdoulaye
LY, « le triomphe éclatant du système de domination et d’exploitation ne
commande pas la capitulation ni une quelconque perte de foi. Il appelle au
contraire l’organisation d’un puissant contre- pouvoir, animé par les
consciences nouvelles mobilisées dans un ordre de bataille nouveau », une
nouvelle politique de gauche « complètement dégagée de l’activisme
électoraliste, sinon démagogique, et de la ‘’real politik quotataire’’ qui
s’installe » (A. LY : « Faire vivre la Nouvelle
Gauche », contribution diffusée en janvier 1997, in DIALOGUE AVEC
ABDOULAYE LY, IFAN CHEIKH ANTA DIOP, Dakar, 2001 –Cité dans le Manifeste de Yoonu Askan Wi, Mai 2008).
Abdoulaye LY est un exemple, de ce point de vue. Sa maison de la
SICAP Liberté au style simple et dépouillé, son obsession pour la simplicité de
port (un modeste caftan, un costume sobre, une saharienne), pour le style de
vie simple et une extraordinaire ardeur au travail le caractérisent. Le camarade Abdoulaye LY nous rappelle qu’un
révolutionnaire dans un pays pauvre doit être simple, sobre et modeste.
Longue vie et santé de fer camarade Abdoulaye LY ! Nous
promettons de suivre ton exemple.
LE
CONGRES
CONTRIBUTION* : Abdoulaye LY, un Grand Destin, laisse à la postérité une leçon de vie
Les sociétés humaines,
ont besoin dans leur cheminement vers le développement d’hommes et de femmes-
repères dont l’exemplarité du parcours, sonne comme une invite permanente adressée
aux hommes, à tous les hommes, d’où qu’ils se trouvent, afin qu’ils tracent les
sillons d’un avenir dont la marque, le souvenir et les fruits, seront la
solidarité et l’amitié authentiques entre les hommes. La personnalité dont je
veux tenter d’honorer la mémoire, a tout
au long de sa vie, inscrit sa méditation, sa réflexion et son action dans cette
perspective.
Abdoulaye LY (A. LY), a cherché toute sa
vie durant à mener un combat pour libérer l’homme de toutes les contraintes qui
peuvent aliéner sa liberté.
Ainsi toute société qui
se veut porteuse d’espérance doit donner la place qui sied à ces bâtisseurs que
j’ appellerai des défricheurs d’avenir.A.LY qui nous a quittés ce Vendredi 31
MAI 2013 fait partie de ces monuments dont la vie et l’œuvre doivent être
revisitées en permanence pour servir de boussole aux générations présentes et futures.
Celles ci en ont bien besoin surtout par les temps que nous vivons.
J’ai connu A.LY au
début des années 90 par l’entremise d’une vieille personne, feu Abdou SECK,
habitant la communauté rurale de YENNE où je servais comme Assistant Social au
Centre de Promotion et de Réinsertion Sociale. Il avait L’habitude de me parler de cet homme qui
l’a fortement marqué. Un jour, je lui demandais de me présenter A.LY Nous le
trouvâmes dans sa modeste demeure sise à Liberté III. Je dois reconnaître ici et
pour reprendre la belle formule du philosophe que « dés que nous nous
sommes connus, nous nous sommes reconnus ». Et de là date une belle amitié
qui s’est consolidée au fil des ans. Chaque fois que je descendais sur Dakar,
je passais le voir pour l’Ecouter parler avec passion et amour du Sénégal, de l’Afrique
qu’il aimait par-dessus tout.
UN GRAND HOMME
Avec sa disparition, je
me suis dit que je n’avais pas le droit de me taire. Cette décision s’appuie
sur ce bel et riche adage wolof « Kolëré guinaw lay fété1 » qui rappelle une exigence et une valeur forte de notre société, la
reconnaissance. Oui, je dois comme beaucoup d’autres Sénégalais, reconnaissance
à A.LY. Malgré son calendrier très chargé, ce travailleur infatigable,
qui, à 85 ans révolus, continuait ses
travaux de recherche, n’hésitait pas un seul instant à ouvrir son salon à des hommes et femmes de toutes
conditions. Ce n’est que vers la fin de sa vie, quand sa vue a commencé à baisser,
qu’il a réduit drastiquement ses activités intellectuelles. C’est ce grand Monsieur
qui était toujours là avec son sourire
d’homme honnête en paix avec sa conscience qui nous accueillait à bras ouverts.
Nous étions là, petits fonctionnaires en quête de connaissance ;
apprentis-chercheurs désireux d’approfondir certaines questions ; ouvriers,
paysans, femmes de ménage avec lesquels il a cheminé au plan politique ;
hommes politiques à la recherche de conseils avisés ; simples quémandeurs
venus chercher la dépense quotidienne. Tous,
on sortait ragaillardi de nos entretiens avec cet homme multidimensionnel. Au
fait, A.LY aura forgé par l’exemple
l’armature morale de plusieurs générations. Fort de tout ce qui précède, Je me
devais de porter témoignage sur cet
homme d’une grande dimension morale et intellectuelle. La jeune génération doit
connaître et mieux apprécier cet intellectuel d’élite au sens Gramscien du
terme qui a voué sa vie au service du combat pour le développement et le
rayonnement de l’Afrique. Ecoutons à ce propos le témoignage du Professeur
Babacar FALL (B.F) de l’UCAD paru dans le Sud Quotidien du Samedi 1er
Juin 2013. Parlant de A.LY, il dira « Il est l’un des penseurs qui
ont le plus influencé l’histoire intellectuelle de l’Afrique Occidentale
Francophone. »
UN HOMME COURAGEUX
Aux brillantes qualités
intellectuelles de ce premier Sénégalais, Docteur Es lettres en Histoire(1955),
il faut ajouter un courage physique dont peu d’hommes peuvent se prévaloir. Et
pour mieux camper cette facette de la personnalité de A.LY, nous allons convoquer
l’éclairage du Professeur Abdoulaye Bara DIOP(A.B.DIOP) « Pendant la
guerre 39-45, A.LY fit preuve d’un acte de bravoure qui lui valut la croix de
guerre, la plus haute distinction de l’armée française. Celle ci en déroute
devant l’avancée des troupes allemandes, laissa beaucoup de blessés et de morts
sur le théâtre des opérations. Il fallait récupérer ces derniers. Le
commandement militaire demanda des volontaires pour les ramener. Silence radio
dans la troupe compte tenu de tous les risques qu’il ya dans ce genre
d’opérations tres risquées avec le pilonnement des positions françaises par les
troupes allemandes. Seules deux personnes se portèrent volontaires dans cette
« mission-suicide » dont A.LY. Ils partirent chercher les combattants,
morts ou blessés. C’est ce haut fait de guerre qui valut à A.LY la croix de
guerre »
SON COMBAT POUR L’EGALITE DES
TRAITEMENTS A L’IFAN
Après la guerre, A.LY,
rentra au Sénégal. Il est recruté comme Assistant à l’Institut Français
d’Afrique Noire. Dans cette auguste institution où « soufflait au
plus haut niveau l’esprit colonial », A.LY dut mener des batailles épiques contre
les colons qui dirigeaient cette institution. Ce combat pour la justice sociale
et l’équité finit par ébranler les fondements sur lesquels s’appuyaient les
colons pour faire du « deux poids, deux mesures ». Laissons
encore le Professeur A.B.DIOP, témoin oculaire de certains faits, parler de
cette séquence particulièrement douloureuse de l’histoire de cette institution.
Voilà ce qu’il disait à l’occasion de la commémoration du 44ème
anniversaire de l’accueil du Général De GAULLE, le 26 Aout 1958 « A
son affectation à l’IFAN, il n’a pas eu droit à un bureau dont bénéficiaient
pourtant individuellement tous ses collègues français métropolitains parce que
lui-même était citoyen français ; collègues qui avaient cependant les
mêmes diplômes que lui. Il était installé à une table dans la bibliothèque de
l’Institut au sous sol du bâtiment abritant aujourd’hui les réserves du musée.
Cette table bureau était placée au fond de couloirs traversés par des courants
d’air incommodants, alors qu’il accomplissait un travail de recherche exigeant
une grande concentration ». Cette volonté manifeste de l’humilier, de le pousser
à la perte de l’image de soi, ne fit que renforcer sa détermination. Il se
battit courageusement pour « faire reconnaître l’égale dignité des
chercheurs africains par rapport à leurs collègues français ». Et A.B.DIOP
de poursuivre « Même s’il ya eu des survivances de la pratique
coloniale au sein de l’administration de l’Institut, il avait déjà ouvert la
voie menant à la fin de la discrimination dont nous étions les victimes. De ce
point de vue, il était un pionnier, comme il le sera pour nous, dans nombre de
domaines »
Côtés souvenirs
toujours, laissons encore, A.B.DIOP nous replonger dans cette vie qui se
conjugue avec les mots Dignité et Sens élevé de l’Honneur « A la
suite de son combat héroïque contre certaines forces qui ne pouvaient tolérer
la présence d’Africains à certains niveaux de responsabilités, A.LY finit à force
de ténacité et de persévérance à gagner la bataille. Il fut nommé Directeur adjoint de l’IFAN
devant assurer l’intérim lors des voyages du Directeur, MONOD. Une délégation
de cadres Africains dont moi-même, très honorés par cette promotion, vint le
trouver chez lui pour le féliciter. A.LY, surpris d’abord par cette visite,
nous fit comprendre qu’il n’y avait pas à se déplacer pour cette nomination.
UN PATRIOTE AFRICAIN INTRANSIGEANT
SUR LES PRINCIPES
Une fois l’Indépendance
survenue, A.LY se débarrassa très vite de sa nationalité française. En patriote
conséquent et se voulant en phase avec les idées d’émancipation qu’il défenda, A.LY
refusa de prendre sa pension militaire au motif « que la guerre à
laquelle il a participé n’était pas la sienne. C’est une guerre qu’on lui a
imposé »
Au plan politique, A.LY a joué pleinement sa
partition en s’engageant résolument dans toutes les batailles pour
l’émancipation et le développement des Nations Africaines. Au congrès de
Cotonou où se jouait un moment important de la vie politique de l’Afrique Occidentale Française
(Juillet 1958), A LY et ses amis défendirent avec véhémence le droit à
l’indépendance immédiate. Ils mirent en minorité SENGHOR et ceux de son groupe
qui ne voulaient pas en réalité de l’indépendance. De retour à Dakar, SENGHOR
va manœuvrer ferme pour changer le cours des choses en faisant voter le oui au
réferendum.Apres cet épisode, A.LY et ses camarades vont continuer le combat
frontal contre SENGHOR. Et cette bataille va culminer avec de chaudes échauffourées
aux allées du Centenaire où on enregistra plusieurs morts. Suite à cette
manifestation, A.LY sera arrêté et mis en prison. Entre-temps, certains de ses
camarades ont rejoint SENGHOR.
A sa sortie de prison,
des négociations furent entamées et aboutirent à la fusion entre le Parti de
SENGHOR, l’UPS (Union Progressiste Sénégalaise) et celui de A.LY, le PRA- Sénégal (Parti du Rassemblement
Africain). Il héritera du Ministère de la Santé et des Affaires Sociales. Dans
ce Département ministériel, il imprimera la rigueur dans la gestion des fonds
publics. Suivons à ce propos le témoignage de A. B.DIOP « De l’avis
de plusieurs personnalités, A .LY s’imposait la rigueur et la transparence dans
la gestion des affaires publiques ; cette rigueur, il l’exigeait des agents placés sous son autorité ». A.LY
ne s’est nullement enrichi au contact du pouvoir. Son attitude qui était
adossée à un idéal très élevée pourrait être considérée aujourd’hui par bon
nombre de nos hommes politiques comme incompréhensible. Il laisse à la postérité
un legs inaltérable.
LA PERMANENCE DE L’HOMME
Tout cela pour dire La permanence de l’homme
qui nous a quittés ce Vendredi 31 Mai 2013 en cette période cruciale de
l’histoire politique du Sénégal où les feux de l’actualité sont braqués sur la
traque des biens mal acquits.
Au vu de la conjoncture
que nous vivons, il serait IMPORTANT voire FONDAMENTAL d’interroger et de
réinterroger la vie de cet homme qui a compris très tôt que pour des pays comme
les nôtres, le salut passe par l’adoption chez les dirigeants de comportement sobre et vertueux dans tous les
domaines de la vie. Et ce n’est pas le brillant philosophe, Djibril SAMB(D.SAMB) qui
va me démentir. Cité par son collègue, Babacar FALL, dans son papier consacré à
A.LY, voici les termes par lesquels, D.SAMB magnifiait la vie et l’œuvre du
grand disparu « Abdoulaye LY est un homme libre. Il ya chez lui un effort
permanent de conciliation entre les exigences du statut d’historien, formé au
culte de l’établissement minutieux des faits, et celles liées à la gravité du
citoyen, imbu des valeurs traditionnelles, comprenant la gravité de la parole
proférée, par essence immarcescible, surtout lorsqu’elle est infamante ».
Oui, A.LY était des nôtres mais il
était FONDAMENTALEMENT différent de
beaucoup de nos compatriotes. Je n’en veux pour preuve que ce témoignage de
A.B.DIOP, historien de surcroit, ancien Directeur de l’IFAN qui sait ce que
Parler et Témoigner pour l’histoire, veut dire. Il m’a dit dans l’intimité de
son salon ces mots graves, pleins de signification et qui en disent long sur la
stature de l’homme « Je n’ai jamais cru que l’idéal pouvait s’incarner à ce niveau
mais c’est au commerce que j’ai eu avec A.LY sur la longue durée que j’ai eu
cette certitude. En fait, A.LY, par ses
faits et gestes, incarnait un idéal d’homme exceptionnel. ». Je ne suis
pas loin de penser la même chose que mes illustres aînés.
UN HUMANISTE
Dans une discussion que j’ai eue avec A.LY
dans son salon. Il me révéla ceci « Cette armoire que tu vois là
renferme des documents assez compromettants pour certaines hautes personnalités
de ce pays. Je ne peux même pas te dire comment certains documents ont atterri entre
mes mains ; peut être la main de DIEU. Ces documents, je ne les sortirai
jamais parce que ça pourrait nuire à la bonne réputation d’hommes et de femmes
que beaucoup de nos compatriotes, considèrent comme des hommes de bien. »Il
poursuivit « J’ai dit à mes enfants de brûler tous ces dossiers
aussitôt après ma mort ». On pourra épiloguer longuement sur cette
décision qui prive la nation d’archives essentielles pour la compréhension de
certains événements politiques. N’empêche que A.LY en bon croyant, ne pouvait
se permettre d’étaler sur la place publique des faits qui pourraient gêner
terriblement certains hommes ou leurs
descendants.
Je crois à mon humble
avis que sa forte croyance en DIEU a du peser lourd dans la balance pour
l’amener à prendre une résolution aussi capitale. En fait, l’homme était un
musulman pratiquant sincère. Il avait l’habitude de me dire : «
DIEU m’a tout donné. Je ne peux que l’en remercier et lui être
reconnaissant ». En fait, la dimension religieuse qui irrigue tout son être
avec en toile de fond l’humanisme dont il est porteur lui interdisait de
« porter tort à son prochain »Quelle grandeur et quel bel
humanisme ! Maintenant libre à tout un chacun d’apprécier !
Une autre fois, il me
parla de SENGHOR AVEC lequel il n’était pas toujours en odeur de
sainteté. « Une fois, Madame, SENGHOR, Colette, m’appela au
téléphone. C’était aux environs de 13h. Elle me demanda de venir en aide à une
de ses connaissances qui était dans le besoin. Je lui marquais mon accord. Deux
heures de temps après, SENGHOR m’appela pour s’enquérir d’une situation. On
discuta longuement et vers la fin, je lui dis en passant que Madame m’avait
appelé. Il me demanda à propos de quoi. Je lui faisais le compte rendu de la discussion
que nous venions d’avoir. Et SENGHOR de me dire, « celle là, il faut
qu’elle arrête ! Elle n’a pas à intervenir dans ces questions
là !»Et A.LY de conclure « SENGHOR, malgré ses limites, fut un
homme d’Etat ». A une autre occasion, parlant toujours de SENGHOR, il me
dit ceci « SENGHOR est un grand travailleur qui ne rechignait jamais à la tâche. II allait au lit tous les
jours à 23h et se réveillait à 5h du matin ».A.LY ignorait la haine et
tous les bas sentiments qui aujourd’hui, vicient les rapports interpersonnels. Malgré
ses rapports heurtés avec SENGHOR sur fond de rivalités politiques et
intellectuelles, A.LY ne manquait jamais de lui reconnaître de grandes
qualités. Ce qui fait dire à A.B.DIOP qu’A.LY « est un homme d’une
rigueur intellectuelle et morale exceptionnelle qui a voué toute sa vie au
combat anticolonial et post colonial »
LA PRESENCE DE GRANDES DAMES DANS SA VIE
Je m’en tiendrai
rigueur si je concluais ce papier sans dire un mot des femmes qui ont
accompagné et soutenu A.LY dans tous ses combats. C’est le lieu ici de leur
rendre l’hommage qu’elles méritent. Quand je suis venu lui présenter mes
condoléances suite au décès de sa première femme, Madeleine LAURENT(M.LAURENT),
A.LY ne put se retenir et se lança dans des confidences. « Cette
femme que je viens de perdre m’a tout donné. Métisse et médecin de profession, elle a tout
abandonné pour me suivre à Dakar. Elle était en première ligne dans tous les
combats que j’ai du mener. Cette femme, me dira t-il, distribuait et placardait
des affiches en pleine nuit avec tous les risques et dangers que cela pouvait
comporter à l’époque. » Ce tableau qui dépeint M.L AURENT sous les traits
d’une femme de conviction et de devoir sera complétée par ce témoignage de
A.B.DIOP « M.LAURENT fut une femme généreuse de cœur et d’esprit.
Elle n’hésitait pas dans le cadre de son travail à venir en aide à beaucoup de
personnes qui la sollicitaient. Elle apportait soulagement et réconfort à
beaucoup de personnes sans demander le moindre sous »
Quelques temps, après
son décès, A.LY se remaria avec une femme Burkinabé, naturalisée, Sénégalaise,
Dieynaba SERE. A. LY me dira à propos de cette femme « Celle-ci
fut la femme d’un Ami, d’un Collaborateur, mon ancien Chef de cabinet, mort
dans un accident de la circulation. C’est en souvenir de cet ami auquel me lie
beaucoup de souvenirs que j’ai pris cette femme ». Toutes ces femmes qui
ont fait du chemin avec A.LY doivent être confondues dans les mêmes éloges
étant entendu que « derrière la réussite de chaque homme, il ya une grande
dame »
IL MERITE D’ÊTRE HONORE
Ceci dit, je vais me
faire l’interprète de milliers de Sénégalais qui ont eu la chance de connaître A.LY.
Je souhaite à l’instar de tous ces Sénégalais qui l’ont connu et apprécié ;
je souhaite aussi pour cette jeunesse en
perte de repères et vivant dans un contexte de crise multiforme ; qu’on
donne le nom d’une grande rue ou d’un édifice public à A.LY. IL LE MERITE PLUS
QUE TOUT AUTRE ! Ecoutons à ce propos, le Professeur A.B.DIOP « Beaucoup
de ceux qui ont reçu des distinctions ne valent pas mieux que lui» Cet homme,
porteur de valeurs morales et spirituelles inestimables doit être mieux connu.
Et c’est l’occasion d’exhorter nos historiens et autres intellectuels à se pencher
sur l’œuvre de cet homme « non pas pour réciter sa vie mais la faire
reverdir ne serait ce que par une connaissance plus approfondie de ses faits et
gestes, de ses paroles, de ses écrits ». Je prends là à mon compte cette
citation de KI –ZERBO, rendant hommage à feu, le Professeur, Ibrahima LY.
Au moment où l’on
cherche à magnifier les valeurs de
citoyenneté, il serait utile de donner en exemple ce modèle de désintéressement et de dignité dont
l’existence toute entière fut une leçon
de vie.
FAIT
A DAKAR LE / JU
*Madi Waké TOURE, Assistant
Social, Conseiller en Travail Social, Formateur
à
l’Ecole Nationale des Travailleurs Sociaux Spécialisés
PS : je tiens à
exprimer ici toute ma gratitude au Professeur A.B.D pour les informations
précieuses qu’il a bien voulu me fournir.
(1)
Je n’ai pas pu par moi-même trouver la
bonne formule pour traduire cet adage wolof ; j’ai du recourir au service
d’un Ami- Professseur . Voici les traductions qu’il en donne mais
s’empresse t-il sans aucune prétention « 1. C’est dans le
passé que se nouent les vraies amitiés ; 2. L’Origine des vrais amitiés
est à chercher dans le passé »
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