vendredi 28 juin 2013

HOMMAGE A ABDOULAYE LY



ABDOULAYE LY VIENT DE NOUS QUITTER. A CETTE OCCASION, NOUS PRESENTONS NOS SINCERES CONDOLEANCES A LA FAMILLE EPLOREE ET A L’ENSEMBLE DU PEUPLE SENEGALAIS QUI VIENT DE PERDRE UN PATRIOTE REVOLUTIONNAIRE EXEMPLAIRE. PAIX A SON ÂME.


LE TEXTE CI-DESSOUS EST UN MESSAGE D’HOMMAGE PRESENTE LORS DU 1ER CONGRES ORDINAIRE DE YOONU ASKAN WI, TENU LES 4 ET 5 DECEMBRE 2010 A GUEDIAWAYE - DAKAR



Yoonu Askan Wi a décidé à l’occasion de son 1er congrès de rendre un hommage solennel et particulièrement chaleureux au camarade Abdoulaye LY, vétéran de la lutte anticolonialiste, anti-impérialiste et pour le socialisme. 60 ans de lutte opiniâtre !  L’exemple vivant de ce combattant révolutionnaire constant et persévérant, rigoureux et travailleur, qui allie admirablement  politique et éthique,  doit inspirer les nouvelles générations de militants de la gauche révolutionnaire, particulièrement la jeunesse  de Yoonu Askan Wi /  Mouvement pour l’autonomie Populaire. Abdoulaye LY, nous a donné le concept de « Présidentialisme néocolonial » pour décrire avec une rigueur scientifique implacable et une précision de chirurgien le système qui a produit le monarque qui règne sur notre pays et veut instaurer une funeste dynastie (cf. « L’émergence du Présidentialisme néocolonial au Sénégal » Editions Xamle 1980 ;  « Sur le Présidentialisme néocolonial au Sénégal » Editions Xamle 1983 ; « D’où sort l’Etat Présidentialiste » Editions Xamal 1997). Le doyen Abdoulaye LY  et ses compagnons ont dissout leur organisation, l’Organisation Démocratique Prolétarienne (ODP) pour rejoindre AJ / MRDN, le 23 mai 1981. Pour marquer cet événement dans la perspective, Ô combien actuelle, de construire une grande et forte organisation de la gauche révolutionnaire panafricaniste, une déclaration historique a été publiée. Dans cette déclaration Abdoulaye LY disait : « … Je dois en ce jour aider la jeunesse de mon pays, que je rallie ici sans façon et sans condition dans une lutte qui lui appartient en priorité, à apprécier le chemin parcouru depuis une trentaine d’année…pour avoir davantage foi dans les destinées de notre pays  ». Quelle admirable humilité, quel sens du sacrifice pour l’unité de la gauche révolutionnaire ! Abdoulaye LY doit nous inspirer ici et maintenant. Quelques années après, en désaccord par les pratiques opportunistes embryonnaires qui allaient dans les années 2000 se cristalliser en une ligne capitularde, Abdoulaye LY a quitté And Jëf et a continué son combat à travers la production d’œuvres politiques de haute portée. 
Qui est Abdoulaye LY ?
Abdoulaye Ly est né le 25 février 1919 à Saint-Louis. Après une scolarité secondaire à Dakar, il poursuit ses études supérieures à MontpellierParis et Bordeaux. Avec une thèse principale, « L'Évolution du commerce français d'Afrique noire dans le dernier quart du XVIIe siècle. La Compagnie du Sénégal de 1673 à 1696 », et une thèse complémentaire, « Le Journal de bord de l'Amitié, journal d'un voyage en Afrique, Sénégal et pays voisins, 14 janvier-14 novembre 1685 », soutenues à l'Université de Bordeaux en 1955, il devient le premier Sénégalais titulaire d'un doctorat d'Histoire et inaugure un courant historiographique dans la mouvance de Cheikh Anta Diop, connu sous le nom d'École de Dakar.

Durant son séjour en France dans les années 40, Abdoulaye LY a dirigé le Groupement Africain de Recherche Economique et Politique (GAREP) qui regroupait de jeunes militants révolutionnaires anticolonialistes radicaux dont le Président des assises nationales Amadou Makhtar MBOW. Ces jeunes, de retour au pays se sont engagés ensemble dans le BDS de Senghor qui devient le BPS puis  l’UPS pour traduire en actes leur engagement politique.

Abdoulaye Ly est nommé ministre de la Production dans le gouvernement du 20 mai 1957, présidé par Pierre Lami et Mamadou Dia. Il démissionne en juin 1958, déçu par les contradictions, les querelles intestines et le « manque d'austérité et de rigueur » dont fait preuve selon lui le Conseil de gouvernement.
Aux côtés d'Amadou Makhtar M'BowAssane Seck, Ablaye GUEYE, Fadilou DIOP…..  Abdoulaye Ly quitte l'UPS, qui décide de voter « OUI » au référendum du 28 septembre 1958. Abdoulaye LY et ses compagnons créent le 20 septembre 1958 le Parti du regroupement africain-Sénégal (PRA-Sénégal), dont il devient le secrétaire général et qui jouera aux côtés du PAI un rôle essentiel dans le combat contre le colonialisme et le pouvoir néocolonial de Senghor. Accusé « d'appel à la rébellion » pendant la campagne électorale qui précède les élections présidentielles et législatives de 1963 il est arrêté, condamné et emprisonné. En 1966, le PRA Sénégal fusionne avec l’UPS et Abdoulaye LY est nommé ministre de la santé, poste qu’il occupera jusqu’en 1970 année où il démissionne du gouvernement et retourne dans l’opposition. En février 2009, la communauté scientifique lui rend un vibrant hommage à l'Université Cheikh Anta Diop, à l'occasion de son 90e anniversaire.
Vie simple, lutte intransigeante et ardeur au travail
Yoonu Askan Wi milite pour la pédagogie par l’exemple. Nous pensons que les dirigeants d’un pays très pauvre comme le Sénégal doivent cultiver un style de vie simple et sobre pour économiser les ressources du pays et mobiliser le maximum de moyens pour l’investissement économique et social au service des masses populaires. Le pouvoir des Wade, stade suprême du Présidentialisme néocolonial est un état patrimonial. Rien n’est trop beau pour eux : voyages ruineux et inutiles, grosses cylindrées, 8 X 8 avec vitres teintées, costumes griffés, cravates et pochettes de mauvais goût, villas et châteaux arrogants. Pendant ce temps le peuple croupit dans les eaux stagnantes, les enseignants ne sont pas payés, il n’y a pas de courant. Aux uns les coupes de cristal dans les hôtels de luxe à l’étranger aux autres la misère la plus crasse. Mais, comme le souligne opportunément Abdoulaye LY, « le triomphe éclatant du système de domination et d’exploitation ne commande pas la capitulation ni une quelconque perte de foi. Il appelle au contraire l’organisation d’un puissant contre- pouvoir, animé par les consciences nouvelles mobilisées dans un ordre de bataille nouveau », une nouvelle politique de gauche « complètement dégagée de l’activisme électoraliste, sinon démagogique, et de la ‘’real politik quotataire’’ qui s’installe » (A. LY : « Faire vivre la Nouvelle Gauche », contribution diffusée en janvier 1997, in DIALOGUE AVEC ABDOULAYE LY, IFAN CHEIKH ANTA DIOP, Dakar, 2001 –Cité dans le Manifeste de Yoonu Askan Wi, Mai 2008).

Abdoulaye LY est un exemple, de ce point de vue. Sa maison de la SICAP Liberté au style simple et dépouillé, son obsession pour la simplicité de port (un modeste caftan, un costume sobre, une saharienne), pour le style de vie simple et une extraordinaire ardeur au travail le caractérisent.  Le camarade Abdoulaye LY nous rappelle qu’un révolutionnaire dans un pays pauvre doit être simple, sobre et modeste.
  
Longue vie et santé de fer camarade Abdoulaye LY ! Nous promettons de suivre ton exemple.

LE CONGRES




CONTRIBUTION* : Abdoulaye LY, un Grand Destin, laisse à la postérité  une leçon de vie


Les sociétés humaines, ont besoin dans leur cheminement vers le développement d’hommes et de femmes- repères dont l’exemplarité du parcours, sonne comme une invite permanente adressée aux hommes, à tous les hommes, d’où qu’ils se trouvent, afin qu’ils tracent les sillons d’un avenir dont la marque, le souvenir et les fruits, seront la solidarité et l’amitié authentiques entre les hommes. La personnalité dont je veux tenter d’honorer la mémoire,  a tout au long de sa vie, inscrit sa méditation, sa réflexion et son action dans cette perspective.
 Abdoulaye LY (A. LY), a cherché toute sa vie durant à mener un combat pour libérer l’homme de toutes les contraintes qui peuvent aliéner sa liberté.
Ainsi toute société qui se veut porteuse d’espérance doit donner la place qui sied à ces bâtisseurs que j’ appellerai des défricheurs d’avenir.A.LY qui nous a quittés ce Vendredi 31 MAI 2013 fait partie de ces monuments dont la vie et l’œuvre doivent être revisitées en permanence pour servir de boussole aux générations présentes et futures. Celles ci en ont bien besoin surtout par les temps que nous vivons. 
J’ai connu A.LY au début des années 90 par l’entremise d’une vieille personne, feu Abdou SECK, habitant la communauté rurale de YENNE où je servais comme Assistant Social au Centre de Promotion et de Réinsertion Sociale. Il  avait L’habitude de me parler de cet homme qui l’a fortement marqué. Un jour, je lui demandais de me présenter A.LY Nous le trouvâmes dans sa modeste demeure sise à Liberté III. Je dois reconnaître ici et pour reprendre la belle formule du philosophe que « dés que nous nous sommes connus, nous nous sommes reconnus ». Et de là date une belle amitié qui s’est consolidée au fil des ans. Chaque fois que je descendais sur Dakar, je passais le voir pour l’Ecouter parler  avec passion et amour du Sénégal, de l’Afrique qu’il aimait par-dessus tout.
                                                       UN GRAND HOMME
Avec sa disparition, je me suis dit que je n’avais pas le droit de me taire. Cette décision s’appuie sur ce bel et riche adage wolof « Kolëré guinaw lay fété1 » qui  rappelle une exigence et une  valeur forte de notre société, la reconnaissance. Oui, je dois comme beaucoup d’autres Sénégalais, reconnaissance à A.LY. Malgré son calendrier très chargé, ce travailleur infatigable, qui,  à 85 ans révolus, continuait ses travaux de recherche, n’hésitait pas un seul instant à ouvrir  son salon à des hommes et femmes de toutes conditions. Ce n’est que vers la fin de sa vie, quand sa vue a commencé à baisser, qu’il a réduit drastiquement ses activités intellectuelles. C’est ce grand Monsieur qui était toujours là avec son  sourire d’homme honnête en paix avec sa conscience qui nous accueillait à bras ouverts. Nous étions là, petits fonctionnaires en quête de connaissance ; apprentis-chercheurs désireux d’approfondir certaines questions ; ouvriers, paysans, femmes de ménage avec lesquels il a cheminé au plan politique ; hommes politiques à la recherche de conseils avisés ; simples quémandeurs venus chercher la dépense quotidienne.  Tous, on sortait ragaillardi de nos entretiens avec cet homme multidimensionnel. Au fait,  A.LY aura forgé par l’exemple l’armature morale de plusieurs générations. Fort de tout ce qui précède, Je me devais de  porter témoignage sur cet homme d’une grande dimension morale et intellectuelle. La jeune génération doit connaître et mieux apprécier cet intellectuel d’élite au sens Gramscien du terme qui a voué sa vie au service du combat pour le développement et le rayonnement de l’Afrique. Ecoutons à ce propos le témoignage du Professeur Babacar FALL (B.F) de l’UCAD paru dans le Sud Quotidien du Samedi 1er Juin 2013. Parlant de A.LY, il dira « Il est l’un des penseurs qui ont le plus influencé l’histoire intellectuelle de l’Afrique Occidentale Francophone. »
                                                   UN HOMME COURAGEUX
Aux brillantes qualités intellectuelles de ce premier Sénégalais, Docteur Es lettres en Histoire(1955), il faut ajouter un courage physique dont peu d’hommes peuvent se prévaloir. Et pour mieux camper cette facette de la personnalité de A.LY, nous allons convoquer l’éclairage du Professeur Abdoulaye Bara DIOP(A.B.DIOP) « Pendant la guerre 39-45, A.LY fit preuve d’un acte de bravoure qui lui valut la croix de guerre, la plus haute distinction de l’armée française. Celle ci en déroute devant l’avancée des troupes allemandes, laissa beaucoup de blessés et de morts sur le théâtre des opérations. Il fallait récupérer ces derniers. Le commandement militaire demanda des volontaires pour les ramener. Silence radio dans la troupe compte tenu de tous les risques qu’il ya dans ce genre d’opérations tres risquées avec le pilonnement des positions françaises par les troupes allemandes. Seules deux personnes se portèrent volontaires dans cette « mission-suicide » dont A.LY. Ils partirent chercher les combattants, morts ou blessés. C’est ce haut fait de guerre qui valut à A.LY la croix de guerre »
                     SON COMBAT POUR L’EGALITE DES TRAITEMENTS A L’IFAN
Après la guerre, A.LY, rentra au Sénégal. Il est recruté comme Assistant à l’Institut Français d’Afrique Noire. Dans cette auguste institution où «  soufflait au plus haut niveau l’esprit colonial »,  A.LY dut mener des batailles épiques contre les colons qui dirigeaient cette institution. Ce combat pour la justice sociale et l’équité finit par ébranler les fondements sur lesquels s’appuyaient les colons pour faire du « deux poids, deux mesures ». Laissons encore le Professeur A.B.DIOP, témoin oculaire de certains faits, parler de cette séquence particulièrement douloureuse de l’histoire de cette institution. Voilà ce qu’il disait à l’occasion de la commémoration du 44ème anniversaire de l’accueil du Général De GAULLE, le 26 Aout 1958 «  A son affectation à l’IFAN, il n’a pas eu droit à un bureau dont bénéficiaient pourtant individuellement tous ses collègues français métropolitains parce que lui-même était citoyen français ; collègues qui avaient cependant les mêmes diplômes que lui. Il était installé à une table dans la bibliothèque de l’Institut au sous sol du bâtiment abritant aujourd’hui les réserves du musée. Cette table bureau était placée au fond de couloirs traversés par des courants d’air incommodants, alors qu’il accomplissait un travail de recherche exigeant une grande concentration ». Cette volonté manifeste de l’humilier, de le pousser à la perte de l’image de soi, ne fit que renforcer sa détermination. Il se battit courageusement pour « faire reconnaître l’égale dignité des chercheurs africains par rapport à leurs collègues français ». Et A.B.DIOP de poursuivre « Même s’il ya eu des survivances de la pratique coloniale au sein de l’administration de l’Institut, il avait déjà ouvert la voie menant à la fin de la discrimination dont nous étions les victimes. De ce point de vue, il était un pionnier, comme il le sera pour nous, dans nombre de domaines »
Côtés souvenirs toujours, laissons encore, A.B.DIOP nous replonger dans cette vie qui se conjugue avec les mots Dignité et Sens élevé de l’Honneur « A la suite de son combat héroïque contre certaines forces qui ne pouvaient tolérer la présence d’Africains à certains niveaux de responsabilités, A.LY finit à force de ténacité et de persévérance à gagner la bataille.  Il fut nommé Directeur adjoint de l’IFAN devant assurer l’intérim lors des voyages du Directeur, MONOD. Une délégation de cadres Africains dont moi-même, très honorés par cette promotion, vint le trouver chez lui pour le féliciter. A.LY, surpris d’abord par cette visite, nous fit comprendre qu’il n’y avait pas à se déplacer pour cette nomination.
                     UN PATRIOTE AFRICAIN INTRANSIGEANT SUR LES PRINCIPES
Une fois l’Indépendance survenue, A.LY se débarrassa très vite de sa nationalité française. En patriote conséquent et se voulant en phase avec les idées d’émancipation qu’il défenda, A.LY refusa de prendre sa pension militaire au motif « que la guerre à laquelle il a participé n’était pas la sienne. C’est une guerre qu’on lui a imposé »
 Au plan politique, A.LY a joué pleinement sa partition en s’engageant résolument dans toutes les batailles pour l’émancipation et le développement des Nations Africaines. Au congrès de Cotonou où se jouait un moment important de la vie  politique de l’Afrique Occidentale Française (Juillet 1958), A LY et ses amis défendirent avec véhémence le droit à l’indépendance immédiate. Ils mirent en minorité SENGHOR et ceux de son groupe qui ne voulaient pas en réalité de l’indépendance. De retour à Dakar, SENGHOR va manœuvrer ferme pour changer le cours des choses en faisant voter le oui au réferendum.Apres cet épisode, A.LY et ses camarades vont continuer le combat frontal contre SENGHOR. Et cette bataille va culminer avec de chaudes échauffourées aux allées du Centenaire où on enregistra plusieurs morts. Suite à cette manifestation, A.LY sera arrêté et mis en prison. Entre-temps, certains de ses camarades ont rejoint SENGHOR.
A sa sortie de prison, des négociations furent entamées et aboutirent à la fusion entre le Parti de SENGHOR, l’UPS (Union Progressiste Sénégalaise) et celui de  A.LY, le PRA- Sénégal (Parti du Rassemblement Africain). Il héritera du Ministère de la Santé et des Affaires Sociales. Dans ce Département ministériel, il imprimera la rigueur dans la gestion des fonds publics. Suivons à ce propos le témoignage de A. B.DIOP « De l’avis de plusieurs personnalités, A .LY  s’imposait la rigueur et la transparence dans la gestion des affaires publiques ; cette rigueur, il l’exigeait des  agents placés sous son autorité ». A.LY ne s’est nullement enrichi au contact du pouvoir. Son attitude qui était adossée à un idéal très élevée pourrait être considérée aujourd’hui par bon nombre de nos hommes politiques comme incompréhensible. Il laisse à la postérité un legs inaltérable.
                                                   LA PERMANENCE DE L’HOMME
 Tout cela pour dire La permanence de l’homme qui nous a quittés ce Vendredi 31 Mai 2013 en cette période cruciale de l’histoire politique du Sénégal où les feux de l’actualité sont braqués sur la traque des biens mal acquits.
Au vu de la conjoncture que nous vivons, il serait IMPORTANT voire FONDAMENTAL d’interroger et de réinterroger la vie de cet homme qui a compris très tôt que pour des pays comme les nôtres, le salut passe par l’adoption chez les dirigeants de  comportement sobre et vertueux dans tous les domaines de la vie. Et ce n’est pas le  brillant philosophe, Djibril SAMB(D.SAMB) qui va me démentir. Cité par son collègue, Babacar FALL, dans son papier consacré à A.LY, voici les termes par lesquels, D.SAMB magnifiait la vie et l’œuvre du grand disparu « Abdoulaye LY est un homme libre. Il ya chez lui un effort permanent de conciliation entre les exigences du statut d’historien, formé au culte de l’établissement minutieux des faits, et celles liées à la gravité du citoyen, imbu des valeurs traditionnelles, comprenant la gravité de la parole proférée, par essence immarcescible, surtout lorsqu’elle est infamante ». Oui,  A.LY était des nôtres mais il était  FONDAMENTALEMENT différent de beaucoup de nos compatriotes. Je n’en veux pour preuve que ce témoignage de A.B.DIOP, historien de surcroit, ancien Directeur de l’IFAN qui sait ce que Parler et Témoigner pour l’histoire, veut dire. Il m’a dit dans l’intimité de son salon ces mots graves, pleins de signification et qui en disent long sur la stature de l’homme « Je n’ai jamais  cru que l’idéal pouvait s’incarner à ce niveau mais c’est au commerce que j’ai eu avec A.LY sur la longue durée que j’ai eu cette certitude. En fait,  A.LY, par ses faits et gestes, incarnait un idéal d’homme exceptionnel. ». Je ne suis pas loin de penser la même chose que mes illustres aînés.
                                                 UN HUMANISTE
 Dans une discussion que j’ai eue avec A.LY dans son salon. Il me révéla ceci « Cette armoire que tu vois là renferme des documents assez compromettants pour certaines hautes personnalités de ce pays. Je ne peux même pas te dire comment certains documents ont atterri entre mes mains ; peut être la main de DIEU. Ces documents, je ne les sortirai jamais parce que ça pourrait nuire à la bonne réputation d’hommes et de femmes que beaucoup de nos compatriotes, considèrent comme des hommes de bien. »Il poursuivit «  J’ai dit à mes enfants de brûler tous ces dossiers aussitôt après ma mort ». On pourra épiloguer longuement sur cette décision qui prive la nation d’archives essentielles pour la compréhension de certains événements politiques. N’empêche que A.LY en bon croyant, ne pouvait se permettre d’étaler sur la place publique des faits qui pourraient gêner terriblement  certains hommes ou leurs descendants.
Je crois à mon humble avis que sa forte croyance en DIEU a du peser lourd dans la balance pour l’amener à prendre une résolution aussi capitale. En fait, l’homme était un musulman pratiquant sincère. Il avait l’habitude de me dire : «  DIEU m’a tout donné. Je ne peux que l’en remercier et lui être reconnaissant ». En fait, la dimension religieuse qui irrigue tout son être avec en toile de fond l’humanisme dont il est porteur lui interdisait de « porter tort à son prochain »Quelle grandeur et quel bel humanisme ! Maintenant libre à tout un chacun d’apprécier !
Une autre fois, il me parla de SENGHOR AVEC lequel il n’était pas toujours en odeur de sainteté. «  Une fois, Madame, SENGHOR, Colette, m’appela au téléphone. C’était aux environs de 13h. Elle me demanda de venir en aide à une de ses connaissances qui était dans le besoin. Je lui marquais mon accord. Deux heures de temps après, SENGHOR m’appela pour s’enquérir d’une situation. On discuta longuement et vers la fin, je lui dis en passant que Madame m’avait appelé. Il me demanda à propos de quoi. Je lui faisais le compte rendu de la discussion que nous venions d’avoir. Et SENGHOR de me dire, « celle là, il faut qu’elle arrête ! Elle n’a pas à intervenir dans ces questions là !»Et A.LY de conclure « SENGHOR, malgré ses limites, fut un homme d’Etat ». A une autre occasion, parlant toujours de SENGHOR, il me dit ceci « SENGHOR est un grand travailleur qui ne rechignait  jamais à la tâche. II allait au lit tous les jours à 23h et se réveillait à 5h du matin ».A.LY ignorait la haine et tous les bas sentiments qui aujourd’hui, vicient les rapports interpersonnels. Malgré ses rapports heurtés avec SENGHOR sur fond de rivalités politiques et intellectuelles, A.LY ne manquait jamais de lui reconnaître de grandes qualités. Ce qui fait dire à A.B.DIOP qu’A.LY «  est un homme d’une rigueur intellectuelle et morale exceptionnelle qui a voué toute sa vie au combat anticolonial et post colonial »
                                LA PRESENCE DE GRANDES DAMES DANS SA VIE
Je m’en tiendrai rigueur si je concluais ce papier sans dire un mot des femmes qui ont accompagné et soutenu A.LY dans tous ses combats. C’est le lieu ici de leur rendre l’hommage qu’elles méritent. Quand je suis venu lui présenter mes condoléances suite au décès de sa première femme, Madeleine LAURENT(M.LAURENT), A.LY ne put se retenir et se lança dans des confidences. « Cette femme que je viens de perdre m’a tout donné. Métisse  et médecin de profession, elle a tout abandonné pour me suivre à Dakar. Elle était en première ligne dans tous les combats que j’ai du mener. Cette femme, me dira t-il, distribuait et placardait des affiches en pleine nuit avec tous les risques et dangers que cela pouvait comporter à l’époque. » Ce tableau qui dépeint M.L AURENT sous les traits d’une femme de conviction et de devoir sera complétée par ce témoignage de A.B.DIOP « M.LAURENT fut une femme généreuse de cœur et d’esprit. Elle n’hésitait pas dans le cadre de son travail à venir en aide à beaucoup de personnes qui la sollicitaient. Elle apportait soulagement et réconfort à beaucoup de personnes sans demander le moindre sous »
Quelques temps, après son décès, A.LY se remaria avec une femme Burkinabé, naturalisée, Sénégalaise, Dieynaba SERE. A. LY me dira à propos de cette femme «  Celle-ci fut la femme d’un Ami, d’un Collaborateur, mon ancien Chef de cabinet, mort dans un accident de la circulation. C’est en souvenir de cet ami auquel me lie beaucoup de souvenirs que j’ai pris cette femme ». Toutes ces femmes qui ont fait du chemin avec A.LY doivent être confondues dans les mêmes éloges étant entendu que « derrière la réussite de chaque homme, il ya une grande dame »
                                         IL MERITE D’ÊTRE HONORE
Ceci dit, je vais me faire l’interprète de milliers de Sénégalais qui ont eu la chance de connaître A.LY. Je souhaite à l’instar de tous ces Sénégalais qui l’ont connu et apprécié ; je souhaite aussi  pour cette jeunesse en perte de repères et vivant dans un contexte de crise multiforme ; qu’on donne le nom d’une grande rue ou d’un édifice public à A.LY. IL LE MERITE PLUS QUE TOUT AUTRE ! Ecoutons à ce propos, le Professeur A.B.DIOP « Beaucoup de ceux qui ont reçu des distinctions ne valent pas mieux que lui» Cet homme, porteur de valeurs morales et spirituelles inestimables doit être mieux connu. Et c’est l’occasion d’exhorter nos historiens et autres intellectuels à se pencher sur l’œuvre de cet homme « non pas pour réciter sa vie mais la faire reverdir ne serait ce que par une connaissance plus approfondie de ses faits et gestes, de ses paroles, de ses écrits ». Je prends là à mon compte cette citation de KI –ZERBO, rendant hommage à feu, le Professeur, Ibrahima LY.
Au moment où l’on cherche à magnifier  les valeurs de citoyenneté, il serait utile de donner en exemple ce modèle  de désintéressement et de dignité dont l’existence  toute entière fut une leçon de vie.

                                                                FAIT A DAKAR LE  / JU
                  *Madi Waké TOURE, Assistant Social, Conseiller en Travail Social, Formateur
                                         à l’Ecole Nationale des Travailleurs Sociaux Spécialisés
                                          tmadi70@yahoo.fr
PS : je tiens à exprimer ici toute ma gratitude au Professeur A.B.D pour les informations précieuses qu’il a bien voulu me fournir.
(1)   Je n’ai pas pu par moi-même trouver la bonne formule pour traduire cet adage wolof ; j’ai du recourir au service d’un Ami- Professseur . Voici les traductions qu’il en donne mais s’empresse t-il sans aucune prétention « 1.  C’est dans le passé que se nouent les vraies amitiés ; 2. L’Origine des vrais amitiés est à chercher dans le passé »                      


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire