lundi 31 mars 2014

Déclaration YAW du 29 mars 2014

Réuni en session ordinaire le samedi 29 Mars 2014, le Secrétariat Permanent de Yoonu Askan Wi a exprimé sa solidarité fraternelle à l’égard des peuples de la Guinée, du Libéria et de la Sierra Leone face aux ravages causés par l’épidémie de fièvre Ebola et exhorte le gouvernement sénégalais à redoubler de vigilance à nos frontières et à l’intérieur du pays. Le SP a en outre examiné la situation nationale et décidé de rendre publique la présente déclaration.

An II de la deuxième alternance au Sénégal : de l’esquive de la transition à l’esquisse de la refondation. Qui voudrait mettre au frigo l’avant-projet de Constitution de la CNRI ? 
L’analyse des deux années faisant suite à l’alternance du 25 mars 2012 dans notre pays, montre clairement jusqu’à quel point il était nécessaire d’ouvrir une transition vers une république sociale de rupture, avec la mise en œuvre de mesures d’urgence structurées autour des trois axes suivants : la refondation  des institutions républicaines, l’assainissement des finances publiques articulé à un programme économique et social prioritaire, et la mise en place des conditions favorables au retour définitif de la paix en Casamance. C’est à l’aune de ladite transition, non déclarée certes, que nous apprécierons le parcours de ces deux dernières années, autour des cinq repères essentiels ci-dessous.
 1. Exigence de mesures prioritaires urgentes : Les mobilisations et luttes des masses qui se sont développées durant cette période, les réponses apportées par les nouvelles autorités, y compris la mise en place de diverses politiques et commissions ad hoc dans plusieurs domaines importants tels que la lutte contre les inondations,  les jalons posés pour une réforme concertée des institutions ainsi que de l’enseignement supérieur et de l’éducation nationale, le lancement de politiques de sécurité sociale et d’allègement des difficultés des plus démunis et autres laissés-pour-compte, les actes posés en direction de la paix en Casamance, renvoient, à n’en pas douter, à la feuille de route d’une transition.  Dans le même temps, ces initiatives confirment la nécessité qu’il y avait d’établir un programme social d’urgence explicite. C’est aussi dans la même logique que s’inscrivent les mesures prioritaires de relance économique et d’assainissement des finances publiques, telles qu’exprimées dans le traitement de plusieurs dossiers, dont l’adoption d’un nouveau code des impôts, la traque des biens mal acquis, la lutte contre la fraude et la corruption…

2. Une transition esquivée et escamotée : le déroulement de cette transition n’a pas fait malheureusement l’objet d’une délibération officielle et n’a pas été ouvertement conduite comme telle, avec l’adoption d’un chronogramme partagé. Les importants retards et dysfonctionnements révèlent de sérieux problèmes de pilotage, tout en contribuant à installer une forme d’esquive et d’escamotage de cette transition. A cela s’ajoutent deux facteurs liés : d’une part, l’absence d’une Assemblée législative élue au suffrage universel direct, et légalement dotée d’un pouvoir constituant pour être habilitée à s’ériger en dépositaire d’une nouvelle constitution à soumettre à la sanction du peuple souverain; de l’autre,  le défaut d’un cadre transversal de supervision et de mise en cohérence du travail de l’ensemble des structures préposées aux réformes institutionnelles (Nouvelle constitution, Acte III de la décentralisation et modification du  code des collectivités locales, réforme foncière, revue du code électoral, etc.). Tout cela mis ensemble constitue présentement la cause principale de ce que l’on peut considérer comme des points d’achoppement de la refondation institutionnelle, engagée à travers différents compartiments.

3. Proposition d’un avant- projet de Constitution par la CNRI : Parmi les évènements majeurs de cette période, le dépôt par la Commission Nationale de Réforme des institutions de son Rapport accompagné d’une proposition d’avant-projet de Constitution, représente incontestablement un fait majeur, devant  annoncer la fin de la  transition du point de vue de la refondation institutionnelle. Sa démarche citoyenne, participative et inclusive ainsi que le contenu de son projet s’inscrivent en droite ligne de ce renouveau social dont la lame de fond n’a pas cessé, par vagues successives tout au long de ces dernières décennies, d’expurger du corps social sénégalais ‘’les démons de ses mauvais côtés’’.
Voilà aussi pourquoi, en mettant l’accent sur la construction d’une citoyenneté populaire désaliénée à l’épicentre de la dynamique de transformation de l’espace public, le projet formulé par la CNRI constitue un acte symbolique fort, de portée stratégique. Cette proposition permet de situer d’emblée la redéfinition des relations entre les différentes institutions de représentation et de décision que sont les pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire, sur un terrain désormais propice au contrôle populaire autonome à travers l’exercice de la démocratie directe.

Certains  constitutionnalistes proches de la sphère présidentielle, probablement de bonne foi, font montre toutefois d’un juridisme de mauvais aloi, en essayant de limiter la problématique posée et à résoudre, à de simples retouches de quelques dispositions de la constitution en vigueur. Pour étayer leur argumentaire, ils allèguent la nécessité d’éviter une certaine récurrence des révisions de la charte fondamentale, en se référant à ce qui s’est déjà passé en 2001 avec la première alternance. De fait, l’actuel avant-projet de Constitution  s’inscrit dans le prolongement de l’immense soif de changement de cette époque, exprimée à travers la volonté et la lutte des acteurs mobilisés à cet effet. Fort malencontreusement,  Wade a tout fait pour étouffer dans l’œuf ce besoin de changement en profondeur, dans l’optique d’assouvir son ambition autocratique de s’imposer, lui et les siens, quitte à faire du ‘’wax waxeet’’ ou à violer la charte fondamentale du pays. Cela implique que l’enjeu demeure non pas seulement le dépassement de la constitution de 2001, mais aussi et surtout l’alternative à la constitution de 1963 qui, dans le fond, perdure et continue de parasiter toute tentative d’avancer de façon décisive au-delà du présidentialisme néocolonial. Une nouvelle constitution est en conséquence l’exacte mesure de la rupture à opérer ici et maintenant, afin d’être en phase avec l’élaboration d’une citoyenneté sénégalaise se nourrissant de la substantifique moelle de notre patrimoine historique. Ce patrimoine, bien que malmené, reste adossé au génie de notre peuple et demeure apte à faire la synthèse de nos valeurs culturelles et spirituelles les plus positives, pour les élever à tous les niveaux à l’échelle d’œuvres de civilisation africaines contemporaines.

4. Pour un referendum populaire: En exerçant son droit d’initiative par la mise en place d’une CNRI et en en confiant le pilotage à un citoyen patriote, compétent, indépendant et respecté, Amadou Makhtar Mbow, le Président de la République Macky Sall a fait un pas appréciable, après ceux consistant à supprimer le Sénat et à réduire son mandat présidentiel de sept à cinq ans. Ce faisant, il concrétisait son engagement solennel et public de matérialiser, s’il était élu, les conclusions des Assises Nationales, après avoir signé auparavant la Charte de gouvernance démocratique. Au vu de la qualité de sa démarche et de son contenu, le travail de la CNRI, ouvert et transparent, mérite d’être salué par l’ensemble des démocrates et patriotes, les masses de jeunes et de femmes, les ouvriers et paysans, les travailleurs des villes et des campagnes, ainsi que par tous les laissés-pour-compte. Le Président de la République serait-il cependant devenu détenteur d’un pouvoir constituant lui conférant la prérogative de passer le texte au tamis, pour ne retenir que ce qui lui conviendrait et décider ainsi tout seul du sort de notre architecture institutionnelle? Procéder de la sorte serait un recul susceptible de gommer d’un seul coup les avancées notées plus haut. Par contre, proposer le  projet tel quel à l’adoption du peuple par voie de referendum serait un autre pas en avant qui aurait l’assentiment de toutes les forces de progrès, parce que correspondant aux motivations les plus véridiques des masses populaires, des  démocrates et patriotes qui ont mis fin aux dérives de tous ordres du régime des Wade. Ces motivations, loin de se limiter au rafistolage du système antipopulaire et antinational existant, obéissent au contraire à la nécessité d’opérer les transformations profondes arrivées à maturité dans notre société. C’est là tout le mérite du M23 d’avoir organisé tout récemment un panel de restitution des travaux de la CNRI. C’est aussi tout le sens qu’il convient de donner au mot d’ordre formulé à l’occasion de cette conférence : « TOUCHE PAS A MON PROJET DE CONSTITUTION ! »

5. Deux perspectives enchevêtrées et contradictoires : La transition a certes été esquivée et escamotée parce qu’implicite et non déclarée. Elle  n’en a pas moins connu un développement effectif qui a mis en évidence deux perspectives enchevêtrées et contradictoires : l’une, porteuse de régression au profit des forces de réaction, avérées ou camouflées, charriant à foison des antivaleurs qui gangrènent dangereusement le tissu social ; l’autre, exprimant une dynamique de renouveau au bénéfice du peuple, interpellant toutes les parties prenantes de la majorité populaire et citoyenne actrice de la victoire du 25 Mars. Yoonu Askan Wi réaffirme avec force sa pleine adhésion à l’initiative des Assises nationales. Sur cette lancée, il appelle toutes les forces démocratiques à l’ouverture d’une nouvelle période par leur renforcement en « Pencum diisoo ou assemblée citoyenne consultative», s’approfondissant            en « Pencum dogal  ou assemblée citoyenne délibérative» : il sera alors possible de promouvoir  les trois grands piliers que sont la révolution des mentalités et des comportements par l’impulsion d’une culture d’affirmation du citoyen sénégalais de type nouveau, l’indépendance nationale fondée sur la maitrise de notre propre destin aux divers plans politique, économique, social, culturel et écologique, et la souveraineté populaire citoyenne, telle que prônée, au demeurant, par la CNRI. C’est à ces conditions que les  tentatives de brouiller les repères, pour nous faire revenir en arrière, seront neutralisées et que s’affirmera une véritable libération au service du peuple sénégalais et de l’Afrique toute entière contre les forces de domination interne et externe qui rament à contre courant de l’histoire.

Fait à Dakar le 29 Mars 2014
Le Secrétariat Permanent de Yoonu Askan Wi                                                                  

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